The Tailor of Time: Marie Lepetit / Shun Kumagai

10 - 22 October 2024
Overview

Le temps des métamorphoses

 

« Le tailleur du temps n’a jamais cousu de chemise pour un homme sans la déchirer.»

Le fil du temps rejoint le fil des inspirations. La compositrice australienne Liza Lim a puisé dans ces vers du poète soufi persan du XIIIe siècle, Rûmî, le titre d’une de ses créations, The Tailor of Time. Éblouie par cette œuvre à la Philharmonie, Marie Lepetit reprend celui-ci pour la série éponyme de cette exposition. Nous modifiant continuellement, de même que le monde, le temps est comme une succession, « un point situé par notre expérience d’un avant et d’un après », décrit dans le Dictionnaire historique de la langue française.

 

Pour Marie Lepetit et Shun Kumagai, il prend différentes formes et différentes textures. Il y a la création, qui le matérialise. La surface des toiles de Marie Lepetit semble à première vue saturées de points, constellation chromatique et géométrique. Mais l’attention conduit à la vision en transparence des premières étapes, lorsque l’artiste prépare ses toiles de couches de couleur.

Ce rapport à différente strates est de la même façon intense dans les objets de Shun Kumagai. Il entre également dans l’expérience du temps, physique et symbolique. Employant un savoir-faire qui date de l’Antiquité, sa technique de moulage du verre l’impose. Il crée en effet un premier prototype en cire, qui est fondu après avoir été recouvert de plâtre pour concevoir un moule. Celui-ci est rempli de fragments de verre de types et de couleurs variés, mais aussi d’autres matériaux comme la terre ou le métal. Après une cuisson, dont la subtilité nécessite une durée importante - cinq jours pour les plus petites pièces et jusqu’à trois semaines pour les plus grandes – intervient le démoulage, comme une révélation, « le moment le plus excitant, comme si je déterrais une capsule temporelle enterré des décennies plus tôt » pour l’artiste qui alors seulement intervient sur le verre. La multiplicité singulière des éléments aboutit à des volumes qui semblent contenir plusieurs époques, tels des objets archéologiques particulièrement raffinés. Les apparitions des couleurs, des matières, les transparences, entrent en écho avec le travail de Marie Lepetit. Elle retravaille le point, les lignes ou les formes comme dans Only the Sound Remains, jusqu’à aboutir au trouble. Les motifs, les mots semblent parfois se dissoudre. « Je m’intéresse à la subtilité de l’apparition, à ce qui est déjà présent dans la matière », confie-t-elle.

 

De l’archéologie à l’astrologie et à l’alchimie, les œuvres des deux artistes sont intimement liées par la métamorphose perpétuelle, la transformation, mêlant et accueillant construction et aléatoire. « Plutôt que de faire un vase ou un bol pour contenir des fleurs ou autre chose, il s'agit plutôt de créer quelque chose rempli d'un vaste flux temporel et énergétique », explique Shun Kumagai. Le mouvement est permanent, comme dans le carnet de Marie Lepetit, tout en apparition, disparition et transformation des éléments, à partir de la déclaration de John Cage dans sa Lecture on Nothing, qui résonne avec la pratique des deux artistes : « Structure without life is dead. But life without structure is unseen. »

Fanny Drugeon, septembre 2024

 

 


Vernissage le mercredi 9 octobre, 2024

17h - 21h

 

13 rue de Saintonge 75003 Paris

Works